Beihdja Rahal, la chanteuse arabo-andalouse

     
     
 

 

La talentueuse chanteuse de musique arabo-andalouse ne cesse d'éblouir les mélomanes à chacune de ses nombreuses prestations. Quand elle parle de sa passion pour la musique andalouse, on est tout de suite conquis par sa belle voix et son charme. Rencontre avec cette diva de la musique arabo-andalouse.

 

Vos premiers pas dans la chanson andalouse ont débuté à l'âge de dix ans. Que vous inspire cette époque révolue à jamais ?

La rigueur et surtout la longue formation qui, elle, ne s'arrêtait pas aux simples cours pris au Conservatoire. Elle nous apprenait le respect du maître et à rester humble par rapport à son savoir.

 

Justement, vous avez eu l'insigne honneur et la chance d'être formée par les figures de proue de la musique andalouse algérienne. Quels souvenirs gardez-vous de ces illustres maîtres ?

Je ne suis pas ce que je suis sans leurs connaissances et sans ce qu'ils m'ont transmis. Ils étaient imposants, ils ne souriaient jamais, ils ne plaisantaient jamais. Nous avions une certaine crainte, car nous étions jeunes et ne comprenions pas que la formation musicale passait aussi par une discipline de rigueur. Cela m'a rendu un grand service.

 

Vous avez participé à de nombreux festivals de musique andalouse et reçu plusieurs distinctions. Existe-t-il une scène ou un pays qui vous fait encore rêver ?

Chaque pays est particulier. Chaque scène a son charme et me fait rêver d'une manière très particulière. Si j'avais toujours la même sensation, j'arrêterais de chanter. Alger reste, pour moi, ma plus grande montée d'adrénaline. Le trac qui ne me quitte jamais, est plus fort quand je suis sur une scène algéroise. C'est le public qui me connaît le plus, que je connais certainement le mieux. Je peux même faire l'appel, comme je m'amuse à dire à mes amis quelques fois. Je reste très à l'écoute des commentaires et des conseils que me donnent mes fans qui, pour la majorité, sont devenus des proches.

 

Comment avez-vous choisi les musiciens qui vous accompagnent dans l'ensemble de vos albums et sur la scène ?

Nous travaillons ensemble depuis plus de quinze ans entre enregistrements et concerts. Je les repère dans les associations ou dans des orchestres professionnels, quand leur jeu instrumental me convient. Je les contacte et généralement, une grande complicité s'installe entre nous. Je suis interprète de la sanâa d'Alger, je choisis des musiciens spécialisés dans ce genre. Nous travaillons dur dans l'espoir de donner un résultat de bonne qualité. Ça nous réussit jusqu'à présent et, donc, on ne change pas une équipe qui gagne !

 

Parlez-nous de votre expérience en qualité de professeur de musique andalouse au niveau de l'association Rythmeharmonie à Paris ?

Je préfère parler d'enseignement ou de transmission. Je ne suis pas professeur de musique mais enseignante d'un patrimoine que je maîtrise. Je n'ai pas de licence, ni de doctorat en musicologie, mais je me suis spécialisée. On donne souvent, et à tort, des titres sans en connaître le vrai sens. N'est pas musicologue, maître, professeur ou chef d'orchestre qui veut. C'est ce qu'on entend tous les jours en Algérie.

Je me consacre à l'enseignement de l'andalou depuis plus d'une vingtaine d'années. Le but est d'arriver à concilier entre cours, masters-class, enregistrements et concerts. C'est ainsi que je vois la préservation de ce patrimoine. La vulgarisation par la pédagogie est une des méthodes de sauvegarde et qui donne ses fruits.

Rythmeharmonie est une association que nous avons créée afin de regrouper toute personne désirant partager une même passion. Les 26 élèves du groupe ont travaillé quatre noubas jusqu'à présent. Le 31 mars prochain, ils vont présenter la Nouba M'djenba en spectacle à la mairie du 11e Arrondissement de Paris. Nous pensons créer une 3e classe car nous avons déjà une liste d'attente de 17 autres personnes.

Je continue à donner des cours pour enfants au niveau de l'ELCO (enseignement des langues et culture d'origine). Une tâche passionnante et prenante surtout lorsque je vois des enfants, qui ne parlent pas arabe, chanter des pièces de la nouba sans aucune complication. Quelle belle satisfaction !

 

Peut-on avoir votre appréciation sur l'état actuel de la musique andalouse algérienne ?

Elle n'est plus en danger concernant la sauvegarde, puisque les jeunes sont de plus en plus nombreux à rejoindre les associations musicales qui ont pris le rôle des conservatoires, donc d'écoles. Il y en a sur tout le territoire national. Lorsque j'étais enfant, on disait, je vais au cours ou j'ai cours de musique andalouse. Maintenant, les enfants disent, j'ai une répétition. ça veut dire qu'on leur met en tête qu'ils sont arrivés. Les répétitions sont réservées aux professionnels, les élèves sont de jeunes amateurs qui ne devraient monter sur scène qu'occasionnellement.

Ces dernières années, c'est plus les associations qui font tous les festivals en Algérie et ailleurs. Il faut peut-être penser à la formation des chefs d'orchestre qui dirigent ces associations. Il faut les encadrer, il faut contrôler le travail qu'ils transmettent au sein de ces groupes. D'ailleurs, à l'époque, on parlait d'enseignants et non pas de chef d'orchestre.

 

L'écriture axée sur la préservation du patrimoine musical culturel reste votre cheval de bataille. Peut-on espérer la publication d'un troisième ouvrage en 2015 ?

Je l'espère, en tout cas. Avec Saâdane Benbabaâli, nous avons imposé cette méthode pédagogique. Le livre intéresse beaucoup. Je le sais par les commentaires de mes fans. La plume, la voix et le plectre, le premier ouvrage, a plu. Le 2e, la joie des âmes dans la splendeur des paradis andalous, aussi. Saâdane s'est occupé de toute la partie littéraire et moi de la partie musicale. Nous sommes en train de finaliser le 3e ouvrage. Saâdane, spécialiste du mouwashah andalou, est passionné par la littérature arabe.

 

Qu'en est-il, également, de l'enregistrement de la série de noubas que vous avez commencé à enregistrer depuis plus d'une décennie ?

Les enregistrements que j'ai entamés depuis 1995 sont, eux aussi, pédagogiques. Ça a permis au public non initié de pénétrer ce monde merveilleux qu'est la nouba. Il arrive à parler de modes, de rythmes et de mouwashah... Chaque nouba est accompagnée d'un livret où l'on retrouve la poésie chantée en arabe et se traduction en français. La traduction est réalisée par Saâdane Benbabaâli avec qui je travaille depuis plusieurs années. Cette année c'est mon album No 24 qui va paraître. On en parlera très prochainement. Ces enregistrements demandent beaucoup de temps de preparation et de patience, mais tant que c'est possible, je continuerai.

 

Quelles sont vos prochaines dates de concert ?

Je serai au festival de Fès cette année. J'ai d'autres concerts en préparation, mais j'attends les confirmations pour vous communiquer les dates et les lieux.

 

Propos recueillis par Nadia Haddouche
"AIR ALGERIE IN FLIGHT MAGAZINE" revue de bord Air Algérie, No 6, mai 2015

 

 

Nouba Raml El Maya 2 de Beihdja Rahal

Fidèle à sa démarche de transcrire le répertoire de la musique andalouse, la chanteuse Beihdja Rahal a réussi à boucler, avec brio, l'enregistrement de son 24e album. Sorti aux éditions Papidou, l'album en question a nécessité deux mois d'enregistrement en studio. D'une durée de 78 minutes, la nouba Raml El Maya 2 débute par une touchia et se referme sur une kadriya.

Si l'artiste Beihdja Rahal a l'habitude de gratifier son public de produits de qualité, cette fois-ci, elle a tenu à introduire une nouveauté dans son album. Il s'agit de l'introduction dans son orchestre, du r'bab, un instrument réservé jusque-là à l'école de Tlemcen. Pour ce faire, elle a fait appel à un musicien confirmé en la personne d'Haroun Chettab.

Beihdja Rahal se plait à préciser qu'elle n'est pas auteure, mais seulement une interprète de la musique andalouse. L'album en question est composée d'une touchia, d'un m'sedder, d'un derdj et de trois insiraf.

 

"AIR ALGERIE IN FLIGHT MAGAZINE" revue de bord Air Algérie, No 6, mai 2015