La transcription du patrimoine musical andalou

     
     
 

La transcription du patrimoine musical andalou est importante mais pas forcément nécessaire

La transcription de la musique classique algérienne  représente un moyen de sauvegarde important mais n'est pas aussi nécessaire,  en raison de la principale méthode d'initiation de cette musique qui demeure  orale, estiment des spécialistes. Des musiciens, interprètes et spécialistes en musicologies, contactés  par l'APS, ont souligné l'importance de la transcription du patrimoine musical  andalou dans le souci de contribuer à sa sauvegarde en affirmant parallèlement  l'efficacité de son transfert oral, étant donné que le musicien peut ajouter  des notes musicales ou apporter certaines modifications aux partitions musicales.

L'interprète de musique "sanâa" (école algéroise), Beihdja Rahal, a  estimé que la transcription de la musique classique algérienne en partitions  musicales "ne peut pas dénaturer ce patrimoine", ajoutant que la transcription  devient, actuellement, "indispensable et importante à la fois".  Elle a souligné que la transcription représente, notamment, "un aide-mémoire",  précisant toutefois que la "principale" méthode d'initiation de ce genre musical  reste la transmission orale des maîtres vers leurs élèves.

L'artiste Beihdja a ajouté que les cours de solfèges sont désormais  une nécessité pour les personnes qui poursuivent des cours de musique andalouse  au niveau des associations spécialisées même si, a-t-elle encore souligné,  "la principale méthode d'enseignement de cette musique est l'oralité". Elle a précisé que dans le cas où cette méthode serait remplacée par  une autre, comme celle de l'utilisation des supports audio, la musique andalouse  "sera dénaturée", a-t-elle averti.

"La particularité de la musique andalouse réside dans le fait qu'elle  demeure encore transmise oralement, c'est une méthode appelée à être  sauvegardée", a ajouté Beihdja, précisant que la transcription est une " méthode supplémentaire" de sauvegarde de ce patrimoine. Pour elle, la transcription n'est pas "primordiale" pour la musique  classique algérienne, mais elle représente, toutefois, "un moyen de plus" pour  sa protection contre l'oubli, a-t-elle conclu.

Pour sa part, le directeur de l'Orchestre symphonique national, M. Abdelkader  Bouazzara, a estimé que la transcription est une "très importante" méthode pour  revaloriser le patrimoine musical algérien sous sa forme symphonique afin de  lui donner une dimension universelle. Bouazzara a indiqué, à cet égard, que plusieurs musiques tirées  du terroir, célèbres par leur richesse en rythmes et en mélodies, ont été habillées  d'un tissu universel grâce à des arrangements réalisés par des musiciens nationaux,  pour démontrer que la musique algérienne "peut être jouée par tous les orchestres  du monde".

Il a souligné que grâce à la transcription et, notamment, à la collaboration  de l'artiste du genre andalou Mokdad Zerrouk, l'orchestre symphonique national  a pu jouer sur scène deux noubas, l'une dans le mode "sika" l'autre dans le  "rasd eddil", affirmant son ambition de continuer ce travail pour, a-t-il dit,  "harmoniser d'autres œuvres du patrimoine andalou".  "La transcription ne touche pas à l'âme de la musique classique algérienne.  Elle garde l'aspect musical originel de ce patrimoine célèbre par sa transmission  orale et contribue d'une manière assez importante à sa sauvegarde", a souligné   M. Bouazzara.

De son côté, l'ancien professeur de musicologie à l'université d'Amsterdam  (Pays-Bas), M. Léo Plenckers, a estimé que la transcription ou la notation musicale,  comme un moyen de transfert de connaissances musicales, "n'est pas forcément  plus efficace que le transfert oral et traditionnel". "La transcription musicale est surtout un moyen pratique dans le discours  musicologique afin de référer certains aspects et endroits d'une composition",  a-t-il ajouté en réponse à des questions par courrier électronique. Il a fait savoir que la notation musicale est généralement utilisée  comme "un moyen de communication qui permet au compositeur de fixer ses idées  musicales afin de les faire jouer par d'autres musiciens".

Considérant une composition musicale comme étant une "recette de cuisine"  qui n'empêche pas le musicien d'y ajouter quelques informations non mentionnées,  M. Plenckers a reconnu que cette "dualité" entre compositeur et joueur n'existe  pas dans la musique "sanâa", étant donné que le transfert de connaissances musicales  s'y fait oralement. Il n'a pas écarté l'idée que la transmission orale rencontre "de plus  en plus de difficultés", soulignant l'importance pour les gens du domaine d'en  trouver les causes et essayer de les surpasser.

 

"EL MOUDJAHID" mercredi 26 mars 2008