Rouge Carmen andalouse, faites la Nouba... Raml

     
     
 

S’il y a une artiste qui procure à chaque fois du bonheur aux amateurs de bonne musique arabo-andalouse, à l’issue de la sortie de ses albums, c’est bien Bahdja Rahal. Enfant de la balle de bohème et d’El Bahdja, Alger, Bahdja Rahal, est tellement follement amoureuse de la musique classique andalouse qu’elle lui voue une véritable passion dévastatrice pour ne pas dire une marotte.

Depuis 7 ans, Bahdja, fait la «nouba», musicalement parlant. Sept ans, sept noubas sur douze classiques. Une performance! Les noubas Zidane, Mezmoum, Rasd, Dil, Ghrib, El Maya et celle qui vient tout juste de sortir sur le marché, Ram’l. Il s’agit d’un laborieux travail de conservation et de préservation des noubas. Une louable initiative dispensant des master classes didactiques et pédagogiques, vulgarisant la nouba proprement dite. Du coup, les noubas enregistrées en CD par Bahdja Rahal se vendent comme des petits pains. A chaque sortie d’un album, c’est un carton ! La preuve patente de ce succès, l’avant-dernière nouba, Ghrib, a été classée, selon un sondage, 4e meilleure vente de disque en Algérie, derrière cheba Djenet, Bilal et un autre chanteur de raï, toutes musiques confondues. Commentant ce sondage, Bahdja se réjouira : «Etre classée juste après le raï, c’est qu’on a gagné quelque part.»



Beihdja, pile Wonder :

De front, les concerts que donna Bahdja affiche toujours complet. Donc, un authentique public, averti jurant avec celui du raï, du charqi ou encore de l’electro, qui existe, et massivement. Aussi, Bahdja, est-elle revenue avec une galette, toute chaude et croustillante. Une nouvelle nouba, Ram’l. Un pur bonheur de 64 mn. Un disque exclusivement acoustique, car conçu avec des instruments pas du tout assistés par «le courant alternatif» et rehaussé par la voix caressante, entraînante et délicate de Bahdja. Une voix de cristal couvrant cette nouba Ram’l s’articulant en Inkilab Zidane Ya badiaâ el hosn, M’sader ram’l Ya raqbat el bellar, btaïhi ram’l Harq edhana mohdjati, 12 minutes d’une plage rhapsodique, ardente, festive et polyphonique. Istikhbar Zidane, une introduction instrumentale d’excellente facture à l’amplitude acoustique «haute fidélité» de trois insiraf Ram’l et les khlass Ram’l Ya mouqabil et Ya nass djaretli gharaïb. A propos de cette nouba Ram’l, Bahdja précise : «A titre d’exemple, le btaïhi Ram’l, est une version plutôt mélodique, plus longue, plus ample et authentique.

Cette nouba Ram’l reste différente, car plus haute avec une interprétation féminine.» Pour ce faire l’enregistrement s’est effectué au studio d’El Biar (Alger) et ce, durant trois semaines et en mettant à contribution sept musiciens et deux choristes. Nadji Hamma au luth, Tarik Hamouche à la kouitra et la harpe, Youcef Nouar, à la mandoline et le luth, Sid Ahmed Khazradji, violon alto, Abdelhalim Guerni, flûte, Belkacem Sisaber, tambourin, Mourad Taleb, à la derbouka et Amina Belouni et Meriem Boulahchiche.

Expliquant sa démarche mélomane de la musique arabo-andalouse dont elle se sent l’âme d’une «templière», Bahdja dira : «Je ne suis pas maître, mais simple interprète. Mon but, c’est de donner une certaine qualité à cette musique. C’est un travail pour corriger et donner la vraie version authentique des chouyoukh. Après 25 ans d’apprentissage, c’est maintenant que je me sens armée. Et j’espère être encore forgée.» En réponse à ceux qui se demandent ce qu’elle ferait après l’enregistrement des douze noubas (entendre la retraite), Bahdja rétorque: «Vous savez, il y a 90 M’sader. On peut faire de nombreuses noubas avec plusieurs M’sader avec une touche personnelle. Je vais les décevoir... J’ai devant moi encore 30 ans de travail soit 450 morceaux inchallah !» Qu’à cela ne tienne ! Bahdja sortira deux nouvelles noubas, H’ssine et Ram’l el maya d’ici à la fin de l’année. Nouba Ram’l de Bahdja est une évasion sentimentale, mélodique, nostalgique, antipoison et antidépresseur, ce n’est pas du prozac non plus, un CD à écouter absolument !

 

K. S.
"EL WATAN" dimanche 18 août 2002