Généreuse et divine Beihdja Rahal

     
     
 

Moulay Benkrizy ne tarira pas d'éloges face une Beihdja Rahal à peine remise d'un concert qui a emballé les nombreux puristes venus à la maison de la culture.

Ce fut une soirée mémorable : l'homme qui parle ainsi n'est pas un habitué des hommages entendus. Il ne s'agit ni plus ni moins que du grand maître de la musique andalouse du genre « Çanaâ », de l'école d'Alger. En cette étonnante soirée du premier mai, Moulay Benkrizy, en l'occurrence, ne tarira pas d'éloges face une Beihdja Rahal à peine remise d'un concert qui a emballé les nombreux puristes venus à la maison de la culture, dont le sympathique directeur a mis un tel talent et une telle fougue à recevoir dans un somptueux décor, la diva de la musique savante algérienne. L'immense scène ayant été généreusement revêtue de centaines de roses aux senteurs divines, l'organisateur y ajouta une touche personnelle qui ne manqua pas d'impressionner son hôte.

Non content de faire accompagner la sublime voix de Beihdja par pas moins de vingt musiciens de l'association Ibnou Badja, présidée par le volubile Dr Fodil Benkrizy, les organisateurs ont installé aux premiers rangs de l'immense « Salle Bleue » un quarteron d'artistes et de chanteurs dont la notoriété a depuis fort longtemps atteint de lointaines contrées. Au lever de rideau, c'est l'association Ibnou Badja qui nous gratifia d'un subtil et envoutant florilège - qui nous a fait voyager entre le malouf du Constantinois, une divine surprise, et les ballades andalouses puisées aux meilleures sources de la « Çanaâ » algéroise et du hawzi tlemcénien, le tout exécuté avec panache par l'orchestre dirigé par le jeune et fort talentueux Fayçal Benkrizy.

Puis, habillée d'une superbe tenue traditionnelle, une non moins traditionnelle « Kouitra » à la main, l'artiste que tout le monde attendait a fait une entrée sous les applaudissements soutenus d'un public d'érudits. On peut imaginer la surprise de la chanteuse lorsque le président de l'association a dévoilé les noms et le parcours des personnalités culturelles présentes aux premières loges. Il y avait là, outre Moulay Benkrizy, l'un des piliers de l'école andalouse de Mostaganem, son alter ego du chaâbi, l'inimitable Maazouz Bouadjadj, assis avec ferveur aux côtés de son mentor, Mohamed Hamaydia, chercheur et digne continuateur de la tradition, Cheikh Touati Baïnine, un chanteur à la voix vibrante et à la mémoire étonnante, Abdelkader Gholamallah, un fidèle disciple de Hassan Saïd à qui il voue une admiration sans bornes, Touati B'sikri, ancien élève de la prestigieuse école du Nadhi El Hillal.

Chanteurs aux parcours éloquents

Impossible pour la chanteuse de ne pas se surpasser face à une pléiade de talents venus spécialement s'abreuver à sa voix chaude, mélodieuse, vibrante et, par moments, frémissante et qui s'est appuyée sur un orchestre composé de quelques musiciens chevronnés et d'une grande majorité de jeunes et parfois de très jeunes instrumentistes. « C'est dans ma nature de faire confiance aux jeunes talents et ma façon de les encourager », nous confia-t-elle à la fin du spectacle. La grande dame de la nouba qui a déjà à son actif pas moins de 19 CD, ne croyait pas si bien dire ! Ce fut un véritable défi que ces jeunes solistes, plus particulièrement le violoniste et le très jeune préposé au « Qanoun », un virtuose qui ne cesse de taquiner l'adolescence. Entre ces musiciens et la chanteuse, il y eut incontestablement une synergie que la présence dans la salle de chanteurs aux parcours éloquents n'a fait que conforter.

Pour ces jeunes musiciens, dont beaucoup sont encore collégiens, cette soirée restera gravée à jamais dans leurs mémoires car, de son côté, la diva algéroise n'a ménagé ni son temps ni sa voix pour offrir un concert digne de la félicité. La symbiose ayant parfaitement fonctionné, il n'est pas dit qu'il n'y aura pas une suite comme le souligna Beihdja Rahal, d'autant que le répertoire du cheikh Alawi recèle des perles rares et inconnues.

 

Yacine Alim
"EL WATAN" mercredi 12 mai 2010