"Big deal" d'une Nouba

     
     
 

C’est une valeur sûre de la musique andalouse que cette Beihdja Rahal. Elle nous revient avec un nouvel album tout frais tout chaud jurant d’avec «la mélomanie» synthétique. Car c’est de la bonne zic acoustique – de l’ «unplugged» à souhait–issue du patrimoine musical traditionnel.

Aussi a-t-elle animé une conférence de presse samedi matin à la salle Frantz fanon de Riadh El Feth et ce, à l’issue de la sortie dans les bacs et la promotion du nouvel opus intitulé nouba dil. C’est une artiste passionnée, charmante, authentique, portant en elle une sorte de «militantisme» minéral pour la musique andalouse qui a rencontré les journalistes pour parler et présenter son «nouveau bébé» comme elle aime à le répéter. Elle n’hésite pas à se présenter à la manière «jamesbondienne»: «mon nom est Rahal, Beihdja Rahal. Comme Alger, la casbah, la radio FM.» Histoire de corriger ceux qui écorchent son prénom jovial.

Celle qui joue de la kouitra assise commentera son 4è opus nouba dil: «pour moi, ce CD est le meilleur de ma discographie. Les trois premiers sont passés complètement inaperçus. Mais nouba dil diffère en matière de qualité du son grâce à un super ingénieur spécialisé dans la musique andalouse dans un superbe studio, ici à Alger. Je ne peux être que satisfaite. Le son est meilleur, ample et classique, interprété par un orchestre renforcé. Alors que les trois enregistrements précédants étaient faits uniquement par cinq éléments, donc amoindris et limités…»

Pour se faire, Beihdja s’est entourée d’une fine équipe comptant de grands instrumentistes comme le maître du qanoun (cithare) Fergane Boudjemaâ ayant plus de 80 ans, Sisaber Belkacem au tar ou encore Mustapha Behar à la mandoline. Perpétuant ce genre musical classique et le précieux legs de la douzaine de noubas restantes des 24, Beihdja est mue d’une conviction «engagée», musicalement parlant. «On essaie de sauvegarder ce qui reste des noubas. Je reste fidèle à ce qui est traditionnel. Mon plus grand souhait est d’interpréter toutes les noubas», justifie-t-elle sa fibre protectrice pour la musique andalouse.

Cependant, Beihdja adapte de par sa touche personnelle les noubas. Après la trilogie nouba zidane, nouba mezmoum et nouba rasd, elle s’essaie à la nouba dil en opérant quelquefois des changements au niveau du texte et de la mélodie, tout en respectant les règles de ces modes musicaux. A titre d’exemple, le m’ceddar dil, dont le titre est woua housnek qad ichtahar (ta beauté est devenue célèbre), son timing de plage est réaménagé en 21 mn, le btaïhi dil intitulé qad kountou khatir de plus d’une dizaine de minutes.

Beihdja, ayant été à la bonne école (conservatoire d’Alger, d’El Biar, El Fakhardjia ou encore Essoundoussia en tant que membres fondateur sous les auspices de Zoubir Kerkachi, Kheznadji, Noureddine Saoudi ou Sid Ahmed Serri, qu’elle sollicite souvent pour d’éventuels conseils), a su garder ou hériter ce côté pédagogique de la musique. Ainsi, Beihdja donne des cours d’arabo-andalou à deux classes d’enfants au centre culturel algérien à Paris où elle est établie depuis 10 ans. «L’avenir, c’est les générations futures. L’apprentissage des musiques du patrimoine traditionnel est riche et vaste», vulgarisera-t-elle. Elle prône aussi l’enregistrement à outrance des noubas, car elle impulse à une grande popularité et à l’écoute de la musique andalouse.

Récemment, Beihdja a vécu une expérience musicale duelle et enrichissante. Le grand guitariste Juan Martin l’a accompagnée dans un concert. Un mariage ibérique, flamenco et arabo-andalou. Cependant, sa priorité demeure la nouba classique.

Lors de cette conférence de presse, Beihdja racontera sa rencontre avec Cheikh El Hasnaoui, le grand maître du châabi, l’auteur de Yemma yemma et Bnat essohba, à Saint Denis, île de La Réunion. Une rencontre nostalgique et émouvante. Cheikh El Hasnaoui devait se produire bientôt à Tizi Ouzou. Il a donné son accord de principe à M. Fellahi, directeur artistique à l’Oref.

A l’écoute de nouba dil, on constate que la voix est altière, harmonieuse et délicate. Et puis, cette grande étendue orchestrale et instrumentiste. Pour ce qui est de son agenda, Beihdja sera en concert à Tours dans une église, puis se produira à Amsterdam et à Paris. C’est la grande et belle affaire pour Beihdja. La nouba quoi!

 

K. S.
"EL WATAN" mardi 18 septembre 2001