Le raffinement dans la sobriété
     
     
 

Toujours investie de l’ambitieuse mission de la sauvegarde de la musique classique andalouse, la chanteuse interprète, Beihdja Rahal prête sa voix cristalline à l’enregistrement d’une sixième Nouba. Un compact-Disc qui consacre cette fois-ci le mode Maya. De ce fait, Beihdja Rahal se retrouve au milieu du parcours, celui de préserver les douze Noubas qui restent du patrimoine musical arabo-andalou.

Une voie qu’elle a empruntée depuis 1995 et qui avait été étrennée pour la sortie de Nouba Zidane. Deux ans plus tard, elle revient avec Nouba Mezmoum, puis Nouba Rasd au même rythme biennal. L’année 2001 sera plus prolifique avec deux albums, Dil et Ghrib.

Ce travail considérable Beihdja le mène avec abnégation et modestie. Mais aussi avec hardiesse; elle franchit les portes d’un genre réservé auparavant aux hommes, les femmes étant reléguées à l’interprétation de genres mineurs comme le Hawzi ou le Aâroubi. Mais si par cet aspect, elle bouscule les us, et s’installe comme la “première femme à enregistrer des Noubas”, elle reste fidèle “proche de l’interprétation authentique de l’école d’Alger”, et très attentive aux conseils des maîtres Sid-Ahmed Serri et Mohamed Khaznadji.

Ainsi, Beihdja Rahal vogue entre tradition et nouveauté. Cette fois-ci, sur l’enregistrement de la Nouba Maya, elle présente des morceaux connus du public mélomane tels le Btaïhi (Touiri mesrar), le premier Insiraf (Indjak errabie) ou Khlass (Kam oua kam ya aïni). Le primeur réside au niveau du second mouvement de la Nouba. En effet, le Mçeddar (Fiq min ennaoum) était jusque-là considéré comme perdu. L’ayant retrouvé sur un vieil enregistrement à Blida, Beihdja Rahal a opéré un véritable travail de restauration afin de l’intégrer à son dernier album. Une suite classique où il est question d’amour courtois ou licencieux, de complaintes de l’absence ou de l’abandon, et de bacchanales dans des jardins d’éden.

Dix plages musicales interprétées par des musiciens chevronnés tels Zerrouk Mokdad, Noureddine Saoudi ou Mustapha Bahar. Dix mouvements chantés par Beihdja accompagnée par des chœurs féminins Lamia Madini, Amina Belouni et Meriem Boulahchiche. Et pour le final, la Kadirya (Lou kane fi ennaoum), Beihdja donne libre à son interprétation et y pose une touche tout à fait personnelle. Crescendo, elle donne la pleine mesure de sa voix, rehaussée par un orchestre épuré. Beihdja, désormais voix féminine de la Nouba, esquisse son petit jardin des mélodies sans fioritures ni appoggiatures, dans la sobriété.

 

Yasmina B.
"LE MATIN" mardi 23 avril 2002