La diva du chant andalou

 

   
     
 

La diva du chant andalou Beihdja Rahal est installée en France depuis quelques années où elle est réputée pour ses concerts uniques capables de drainer des foules importantes. Nationaux et étrangers viennent l’écouter et se délecter d’un genre de musique qui reste malheureusement très mal connu, voire marginalisé du public algérien lequel continue à l’assimiler à une musique bourgeoise et non moins snobe qui n’intéresse qu’une frange élitiste de la société.

A chacun son combat et Beihdja Rahal, est déterminée à parcourir un chemin difficile et sinueux, celui de redorer le blason à une musique ancestrale perdue dans les méandres d'un champ culturel peu reluisant. Cette musique animait les palais somptueux d'antan à l'époque faste de Zyriabe et d'El-Moussili quand la civilisation arabo-musulmane se trouvait au sommet de son apogée avant de connaître le déclin et la décadence.

L'Andalou, explique Beihdja, est une musique savante, structurée, intellectualisée, le fruit d'une réflexion, mûrement calculée où rien n'est laissé au hasard; du frisson propre à l'émotion jusqu'au tournis de l'extase. C'est pour cette raison, précise-t-elle, qu'elle doit se maîtriser totalement sur scène même si le trac la bouleverse et se refuse à la quitter avant et pendant chaque concert donné.

Cette dame à la voix sublime mélodieuse, que l'auditeur ne peut s'empêcher d'écouter et d'apprécier, est botaniste de formation, elle ne se doutait pas qu'en empruntant le chemin du conservatoire afin d'apprendre les rudiments de cette musique classique, elle allait s'éprendre farouchement de l'Andalou allant jusqu'à en faire une profession à part entière et une quête sans relâche, sacrifiant ainsi sa carrière scientifique rangée en faveur d'une carrière culturelle incertaine. En effet, son vœu le plus cher est que cette musique ne soit plus réservée à la classe aisée celle des nantis mais qu'elle soit une musique accessible à tous car elle appartient à tout le monde étant partie intégrante du patrimoine national.

Dans un souci de préserver justement ce patrimoine, elle enregistra trois Noubates; Zidane en 1995, Mezmoum en 1997 et Rasd en 1999. un répertoire jugé difficile et réservé strictement aux hommes. Elle dérogea de la sorte à la règle établie qui veut que la femme artiste qui se lance dans le domaine du chant classique se contente d'interpréter le répertoire du Hawzi, la Nouba étant chasse-gardée des hommes. Elle brava donc cette règle discriminatoire, estimant avoir suffisamment de capacités tant sur les plans technique que vocal.

Sa voix cristalline et son talent sûr sont étayés par une formation accomplie de longue haleine auprès d'éminents professeurs. Une vingtaine d'années durant lesquelles elle s'acharna au travail pour se performer voire exceller. Le fait d'être une femme l'a incitée à redoubler d'efforts pour décourager les tentatives des uns et des autres à remettre ses performances en cause. Par ailleurs, à l'issue de sa courte visite en Algérie, elle a enchanté son public lors du concert qu'elle a donné récemment devant ses fans, et promet de récidiver dès que l'occasion lui sera présentée, exhortant les autorités concernées à venir en aide aux artistes qui ont choisi la difficulté dans le seul but de préserver le fleuron culturel que nous ont légué nos ancêtres.

 

Fatma Haouari
"LE SOIR D'ALGERIE" mercredi 31 mai 2000