La musique çanaâ ne périclitera jamais
     
     
 

BN/ CONFERENCE DE PRESSE-DEBAT DE BEIHDJA RAHAL

L’interprète de musique arabo-andalouse, Beihdja Rahal, a animé samedi dernier, à la Bibliothèque nationale d’El-Hamma à Alger, une conférence-débat autour de son dernier album, un enregistrement d’une nouba dans le mode rasd. Expliquant le pourquoi d’un tel choix, Beihdja Rahal s’est étalée sur les indications concernant la nouba rasd, précisant que ce nom dérive du persan qui veut dire "normal ou régulier". Elle dira également que c’est le mode le plus naturel que la voix d’un chanteur peut émettre même s’il est amoindri d’une touchia est d’un istikhbar (prélude musical). "Ne possédant pas le mode spécifique à l’image des autres noubas, les conservateurs de la musique arabo-andalouse se sont rabattus sur le mode raml maya pour la désigner", précisera Beihdja Rahal.

Dans un autre registre, la conférencière rendra hommage à Bouabdellah Zerrouki pour ses conseils techniques, Kamel Malti pour sa collaboration dans la correction des textes, Saâdane Benbabaâli pour la traduction des poèmes chantés et enfin le directeur de l’Office national des droits d’auteur et droits voisins (ONDA) pour le financement de l’enregistrement. Dans le même sillage, elle félicitera Mohamed Khaznadji pour lui avoir prodigué le derdj intitulé Rymoun nadharetni (une gazelle m’a contemplé). "J’ai délibérément interprété cette pièce musicale dans les mouvements derdj et kh’las pour montrer la richesse de la nouba araboandalouse", témoignera Beihdja Rahal.

Reconnaissant en la musique chère à Zyriab des qualités incommensurables, elle vantera les mérites de ses devanciers dans le domaine qui se sont attelés à préserver cette musique de l’oubli. "Sans le sacrifice des maîtres qui nous ont devancés, cette musique ne nous serait jamais parvenue", dira-t-elle. La qualifiant de citadine et de savamment élaborée, la musique arabo-andalouse est sa raison d’être, se targua l’oratrice, ajoutant qu’elle a pris à bras-le-corps la défense de ce genre musical tout en entreprenant la perpétuation du génie de Ziryab par l’enregistrement. "Nous avons un patrimoine musical extrêmement riche et formellement structuré. Nous l’avions hérité d’une civilisation citadine et nous nous devons de le sauvegarder. C’est dans cette optique, d’ailleurs que je me bat aujourd’hui pour permettre aux futures générations de continuer à pratiquer cette musique", rétorquera Beihdja Rahal à une question émanant de l’assistance.

Justement pour cette assistance, la conférencière essaiera d’expliquer la structure de la nouba andalouse rappelant qu’à l’origine il en existait 24. "Chaque heure de la journée avait sa propre nouba et la nouba veut dire tout simplement "tour" car les chanteurs de la période andalouse passaient tour à tour devant le roi pour chanter leur nouba". Cependant, le moment le plus attendu était celui de faire son tour de chant à elle d’autant que ses fans commençaient à s’impatienter.

Après une déclamation des textes chantés dans son dernier album, elle prendra son instrument, la kouitra pour faire pâmer de joie une assistance qui s’est mise à l’écouter religieusement. Accompagnée du jeune prodige El Amine Belouni au Oûd, elle entra de plain-pied dans les arcanes de la nouba rasd interprétant tous les mouvements la composant, à savoir le m’sadar, le b’taïhi, les deux derdj, l’insirat et enfin la série des khlassate pour terminer en apothéose une nouba chère à son maître Zoubir Kakachi. C’était, il faut le dire, une manière à elle de prouver sa virtuosité dans le jeu de la kouitra puisque le parterre a foncièrement apprécié sa dextérité et sa maîtrise de la mesure et ce, en dépit de l’absence de la percussion

 

N. Belarbi
"LE SOIR D'ALGERIE" mardi 1er novembre 2005