Une deuxième nouba zidane de Beihdja Rahal danc les bacs
     
     
 

“Ma belle aux yeux si noirs,
J'erre comme un fou, brûlant de désir.
Tu troubles les amants Et tu refuses l'union …
Nul n'a fait ce que mon ignorance m'a fait faire,
Libre j'étais, me voici devenu esclave soumis …”

Troisième d'une deuxième série d'enregistrements de noubate, le CD de la nouba zidane interprétée par Beihdja Rahal vient d'être commercialisé par les éditions Soli Music. Enregistré en avril dernier, sous la direction artistique et technique de Bouabdellah Zerrouki et en collaboration avec l'Office national des droits d'auteur et droits voisins (ONDA), ce CD est accompagné d'un livret où la version en arabe et une traduction en français (par Saâdane Benbabaâli) des textes déclamés est retranscrite.

“Un de mes modes préférés”, déclare Beihdja Rahal qui a voulu donner un cachet particulier à cet enregistrement. Une œuvre mélodieuse, Beihdja, durant plus d'une heure de temps, jouant de la Kouitra et accompagnée par un takht de 10 musiciens et de deux voix féminines, nous rappelant les délices de l'Andalousie, nous berçant des sensations douces du désir, de l'amour et du bonheur.

Mais une ode aussi à la nostalgie, où elle nous fait aussi ressentir les affres de la séparation, les peines de l'âme, les tourments de l'amant et nous fait comprendre que la vie n'est qu'éphémère aussi. Comme ne manque pas de l'exprimer la poétesse andalouse, Wellada Bint El Moustakfi, égérie du poète andalou Ibn Zeydoun, versifiant la plainte de l'amante délaissée.

Une versification que Beihdja reprend dans l' istikhbar en mode zidane Ala hel lana min baâdi hadha ettafarouki…(après les souffrances de la séparation, aurons-nous…) où elle crie sa peine: “Qu'en sera-t-il maintenant que tu t'es éloigné et que le destin a précipité l'épreuve que je craignais ?”

Pour Beihdja Rahal, en parlant, “je voulais faire connaître cette poésie féminine. La mettre en évidence. Pendant des années, on ne parlait que de la poésie au masculin alors que la poésie féminine est aussi belle et aussi importante”.

Une des poétesses andalouses aussi connues à cette époque que les poètes andalous, Wellada Bint El Moustakfi, était une princesse andalouse qui organisait des salons littéraires chez elle. Le célèbre Ibn Zeydoun, invité un jour à ce salon, est tombé amoureux d'elle. Un amour réciproque, une correspondance entre eux ont donné naissance à une magnifique poésie.

Un istikhbar, ode à cette riche poésie féminine arabe dont Beihdja se veut la messagère, préludée par le inqilab en mode zidane, Ya racha fettane…(Gazelle au charme envoûtant…), suivi du monumental mceddar Tahya bikoum koullou ardhin…(La terre ressuscitée par vous…), sublimé en douze minutes, et le btaihi Lach ya âdhab el qouloub…(Pourquoi ô bourreau des cœurs…).

Une nouba zidane expressive aussi du bonheur et de joie, dans ce derdj dans le même mode Ellouzou fateh…(Les amandiers sont en fleurs…). D'autres sentiments contrastés dans les trois insirafs zidane âtir al anfass…(Toi dont l'haleine est parfumée…), Min houbbi hadh el ghazala…(D'amour pour cette gazelle, le sommeil a quitté mes prunelles…) et Dir al ûqar ya saqi…(Echanson, fais passe les coupes…).

A ce propos, elle fait remarquer le caractère “inédit”, “différent” des deux derniers insirafs de cette nouba qu'elle magnifie par deux khlass zidane Ama tettaqi Ellah…(Ne crains-tu pas Dieu, ô bourreau de mon cœur ?…) et Selli houmoumek…(Distrais-toi et oublies ta peine… car tu ne sais ce que te réserve demain…).

Une nouba, achevée en apothéose par une qadriya dans le même mode Mamhoun men elli h'djerni…(Affligé à cause de celle qui m'a abandonné…), que Beihdja Rahal avait interprété lors de son récital, le 15 octobre dernier, au Palais de la Culture à Alger et de ses deux concerts à Mostaganem et Annaba

 

Chérif Bennaceur
"LE SOIR D'ALGERIE" samedi 4 novembre 2006