Un beau livre hommage aux "enfants de Ziryâb"  
     
     
 

Destiné aux initiés et même aux non-initiés, la Plume, la Voix et le Plectre, de Saâdane Benbabaali, raconte le cheminement de Nawba. À travers les 91 pages de cet ouvrage bilingue (arabe et français), l'auteur, qui tente de vulgariser au maximum son propos, présente à son lecteur la musique andalouse, son évolution, ses variations, ses modes, ses écoles et sa thématique.

Le spécialiste de la littérature arabo-andalouse, Saâdane Benbabaali, s'intéresse dans la Plume, la Voix et le Plectre, à la musique andalouse qui représente un patrimoine immatériel universel, une musique noble destinée à un public raffiné et témoin d'une époque révolue. Il entame son propos par une partie définitionnelle revenant ainsi sur la composante de “Ahl Al Andalous”. L'auteur écrit que ces gens d'Al Andalous sont formés d'Ibères, d'Arabes et de Berbères, des ethnies donc qui ont eu un apport considérable et ont contribué de façon remarquable à l'histoire universelle et à l'essor de la musique andalouse.

En fait, le but de la musique andalouse et de ses différentes formes, comme le muwashshah et le zajal est venu en opposition à la qassida classique, portée par des poètes comme Abou Nawas, Al Mouttanabbi ou encore Umar Ibn Abi Rabî'a. Ces muwashshahate sont donc une forme populaire (dans le sens de l'époque) s'inscrivant dans une sorte de rupture par rapport aux formes classiques.

Une révélation qui semble bizarre et étrange puisque, de nos jours, les textes de l'époque andalouse sont inaccessibles et incompréhensibles, or dans le contexte actuel, on parle d'évolution de la langue. Mais ce n'est pas le propos du jour. Toujours dans l'ouvrage, l'auteur évoque la polémique qui a entouré l'apparition de ce genre poétique et musical. En effet, “le muwashshah obéit à une métrique syllabique romane” — le mètre c'est le Bahr — et les vers finaux sont en langue romane, ils “ne peuvent pas avoir été écrits par des poètes arabes.” Mais Saâdane Benbabaali ne s'étalera pas davantage, justifiant son geste par le fait que ce n'est pas le propos de cet ouvrage.

Par ailleurs, c'est grâce au compositeur Ziryâb que cette musique a connu son millésime. Ce musicien troubadour, venu de Bagdad dans l'Occident musulman, en quête de notoriété et de reconnaissance, est devenu une référence dans ce genre musical. L'auteur révèle que la chanson dite arabo-andalouse contient près de 660 pièces et que l'andalous se subdivise en trois écoles : Al Gharnatiyya de Tlemcen qui allie grâce et agilité, Al Malouf de Constantine qui déborde de joie de vivre, et la San'a souvent mélancolique. Quant aux thèmes traités, ils sont pour la plupart amoureux ou bachiques qui célèbrent la vie, l'amour, l'être aimé, les rapports entre deux êtres, ils chantent la nature et parfois l'amour et la gloire de Dieu et de son Prophète.

Saâdane Benbabaali clôt son propos par un épilogue dans lequel il explique sa démarche tout en inscrivant son propos dans la préservation de ce patrimoine immatériel en perdition. De son côté, l'éditeur, Sofiane Hadjadj, dresse un portrait attachant et fort intéressant de Beihdja Rahal qui a collaboré à cet ouvrage avec un CD, dans lequel elle interprète Nouba Raml. Un cadeau pour les lecteurs qui retiendront que la musique andalouse est, en fait, le reflet d'une extraordinaire époque qui a rassemblé et unifié plusieurs ethnies et sensibilités qui ont coexisté dans la paix, la sérénité et la musique.

 

Sara Kharfi
"LIBERTE" mardi 3 février 2009