Un vent frais souffle sur la musique andalouse

     
     
 

Les amateurs ou puristes confirmés de la musique arabo-andalouse seront enchantés par le «CD événement» de Beihdja Rahal qui vient de paraître chez MED-Editions: «Nouba Zidane, un titre évocateur où cette première dame soliste de la musique arabo-andalouse raffine à la perfection ce style d’Alger bien caractéristique, tressé comme un chapelet fleuri et enjolivé, portant au rêve, au vertige et à l’ivresse mystique».

Beihdja Rahal a courageusement relevé le défi en interprétant vocalement et en soliste, une nouba entière, en révolutionnant le «consensus traditionnel».

Il est vrai que Beihdja a de qui tenir, née en 1962 à Alger (année de l’indépendance), dans une famille très «branchée» dans cet art musical, elle s’en est très vite imprégnée dans toutes ses fibres. Pour bien faire elle prend des cours de chant chez l’inoubliable maître Mohamed Kheznadji avant de soigner sa culture instrumentale: son instrument de prédilection, est la kouitra, un dérivé algérien du luth arabe, qui est à la fois l’âme et l’emblème de tout orchestre arabo-andalou digne de ce nom.

Beihdja peaufine son art entre 1982 et 1986 au sein de l’association Fakhardjia avant de rejoindre l’autre prestigieuse ferqat Essoundoussia. Ce qui ne l’empêche guère de suivre des études universitaires de biologie, comme pour apprendre à disséquer encore mieux l’âme humaine et le corps qui la porte. Installée en France en 1992, elle fonde deux ans plus tard son ensemble musical. Elle innove judicieusement et s’attache à des «normes plus flexibles» qui facilitent l’improvisation depuis longtemps disparue en raison des structures lourdes et pesantes de certaines formations.

Cette Nouba Zidane, un «cru» accessible à toutes les oreilles est servi par quatre instrumentistes qui composent l’ensemble musical. Hamma Nadji et Aouissi Kamel au luth, Abdessemed Ismain au violon et Mansour Nabil à la derbouka et au tambour sur carde tar, accompagnent la voix et la kouitra de Beihdja pour transcender la mélodie de cette Nouba Zidane conçue pour être jouée en pleine nuit.

Les textes usent abondamment de la métaphore bien connue des chanteurs arabo-andalous, pour dire l’amour, la nostalgie, la grâce de Dieu, ou le rythme des saisons comme le montre cet extrait à la naïveté toute apparente:

Mon petit oiseau est plein de grâce
Il ne supporte aucune lumière
Son bec est jaune, sa poitrine est rouge
Il chante à haute voix, il est fait pour la fête
Il a battu des ailes et s’est envolé
Il a quitté les lieux pendant un moment
Puis il a fait demi-tour et s’est posé sur ma main
La vie n’a jamais duré après moi pour personne.

 

Djilali Bencheikh
"ALGER INFO INTERNATIONAL" vend-sam 24-25 décembre 1995