L'artiste Beihdja Rahal à El Moudjahid : « L'andalou se porte bien »

     
     
 

Dans cet entretien, la diva de la musique andalouse, Beihdja Rahal, évoque ses concerts durant ce mois de Ramadhan, son dernier album « Nouba Mezdj Dil-Mdjenba » ainsi que le travail de transmission qu'elle mène au niveau de son association « Rythmeharmonie » et à travers les différentes formations qu'elle dispense.

Vous allez animer une série de concerts en Algérie à l'occasion du mois de Ramadhan, pourriez-vous évoquer cette tournée et ses étapes ?

Je ne parle pas de tournée mais de 3 concerts pour le moment. Je serai au Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi (Alger) le samedi 30 mars, à la maison de la Culture Mouloud-Mammeri (Tizi Ouzou) le lundi 1er avril puis à la salle Maghreb (Oran) le vendredi 5 avril.

C'est l'occasion pour moi de retrouver le public que je n'ai pas eu le plaisir de voir depuis 2 ans à Oran et depuis 4 ans à Tizi Ouzou, après l'hommage que nous avions rendu à cheikh Al-Hasnaoui.

 

Vous allez présenter lors de ces concerts « Nouba Mezdj Dil-Mdjenba ». Qu'en est-il de ce nouvel album et ce nouveau cycle de « mezdj » que vous avez entamé ?

Cet album est le 29e que j'enregistre depuis 1995, l'année de la sortie de « Nouba Zidane », mon 1er CD. J'ai interprété des noubas dans leur structure classique mais il ne faut pas oublier que le Mezdj existe aussi. J'ai enregistré un Mezdj Ghrib-Zidane en premier, un Maya-Rasd eddil, puis un Raml el maya-Raml. Celui-ci est le 4e de cette série.

Une nouba classique se chante dans le même mode du début à la fin. Je rappelle que la nouba est une suite de 5 mouvements : Mceddar, Btaihi, Dardj, Insiraf et Khlass, toujours interprétés dans cet ordre.

 

Est-ce qu'on peut considérer que vous procédez à de la fusion de l'intérieur même de la nouba et comment est né ce travail-là ?

Le Mezdj n'est pas une fusion. Il fait partie de la classification dans le patrimoine andalou. Je n'ai pas interprété le Mezdj en prenant des libertés. Je respecte les modes et la structure imposés par nos maîtres. Le Mezdj est une fusion entre deux modes. On l'applique suivant ce qui est mentionné dans les recueils : le mode Zidane ne fusionne qu'avec le mode Ghrib. Dans cet album, j'ai choisi les modes Dil et Mdjenba.

 

Vous avez sorti de nombreux albums, avez créé une association en France pour la transmission de la musique andalouse et vous avez également sorti deux livres sur le sujet. Selon vous, comment se porte ce genre aujourd'hui ?

J'ai enregistré une série de nouba dans le but de préserver ce patrimoine çanaa que je représente. J'ai créé l'association Rythmeharmonie à Paris dans le but de transmettre la nouba au sein de la communauté algérienne en France. On pense souvent à la relève en Algérie, c'est une très bonne chose mais il faut penser à celle qui est à l'étranger. Depuis que j'enseigne la musique à Paris, j'ai découvert des talents et des passionnés, il faut leur donner l'occasion de se rapprocher de plus en plus de leur culture d'origine, je pense surtout aux enfants.

Les deux livres coédités avec Saadane Benbabaali sont une clé pour pénétrer le monde merveilleux de la poésie arabo-andalouse de l'époque afin de mieux comprendre le Mouwachah et le Zadjal. L'andalou se porte bien ! Nous avons une belle relève, il suffit qu'elle soit bien encadrée.

 

Vous vous investissez également dans la formation, pourriez-vous nous en parler ?

Mon programme ne se limite pas aux concerts et c'est pour cette raison que je parle de sauvegarde du patrimoine. Je donne des cours au sein de notre association Rythmeharmonie à Paris et j'anime des ateliers un peu partout en France.

Depuis septembre 2023, j'anime des Masterclass deux jours par mois à l'académie internationale de musique et des arts, ACIMA à Alger qui a été créée par le maestro Amine Kouider. C'est Manal Gherbi qui est à présent la directrice. Je suis ravie de retrouver, chaque mois, un groupe de passionnés qui viennent approfondir leurs connaissances dans ce domaine, tellement riche.

Je prépare les concerts de mes élèves, les classes enfants et les classes adultes. Cette année, Rythmeharmonie donnera un concert le 21 juin prochain dans le 1er arrondissement de Paris à l'occasion de la fête de la musique, c'est une première pour nous. Je serai à Marseille le 28 avril pour présenter un nouveau projet qui débutera en octobre 2024. Mon travail depuis quelques années est plus axé sur la transmission de ce legs musical unique.

 

Avez-vous d'autres projets de tournée en Algérie pour la présentation de votre nouvel album ?

Pas pour le moment, rien n'est prévu. Je serai ravie de présenter cet album au public des autres villes d'Algérie. Les mélomanes ne sont pas uniquement à Alger !

 

Entretien réalisé par Sara Kharfi
"EL MOUDJAHID" lundi 25 mars 2024