Beihdja Rahal, une artiste au cœur andalou
     
     
 

Dotée d'une voix mélodieuse aux vibrations fines, Beihdja Rahal a réussi le pari d'enregistrer, en un peu plus de dix ans de carrière, seize genres des 12 noubas (modes) confondus. Décidée depuis 1995 à se spécialiser coûte que coûte dans la nouba andalouse, elle a vite enregistré un premier album dans le mode Zidane, en prélude à une première série des 12 modes que comprend désormais le patrimoine musical andalou.

Quatre autres noubas d'une deuxième série, lancée en 2005, suivirent dans son répertoire. «Le nombre d'albums que j'ai sortis ne signifie pas que je détiens la totalité du patrimoine andalou, lequel est infiniment riche par ses textes, ses poètes et ses mélodies», ne cesse-t-elle de répéter à chacune de ses sorties.

«Tant qu'il y a de la matière, j'interprète ce patrimoine et je le produis pour contribuer à sa sauvegarde et pour le rapprocher du peuple, afin de battre en brèche l'idée largement répandue que cette musique savante appartiendrait à une certaine élite de la société», confie-t-elle souvent.

Beihdja a toujours plaidé pour le respect de l'authenticité et de la structure originelle de la nouba pour la maintenir à son état «pur», sans modification ni déformation car, pour elle, la musique andalouse, de par ses trois écoles d'Alger, de Constantine et de Tlemcen (sanâa, maâlouf et gharnati), représente l'identité et la personnalité nationales. Un genre musical, selon elle, venu au Maghreb après la chute de Grenade, au même niveau que les gravures rupestres du Tassili ou encore les différents sites historiques qui font la marque civilisationnelle du pays. C'est pourquoi elle tient depuis le début de sa carrière à le faire connaître dans les régions les plus reculées du pays comme dans les grandes concentrations urbaines.

Vêtue d'habits traditionnels, karakou ou kaftan , une kwitra entre les mains et dirigeant un orchestre d'hommes, elle offre, à chaque fois qu'elle se représente, l'agréable image de l'artiste qui, par les seules vibrations de sa voix, «cherche à emporter doucement son auditoire vers un monde imaginaire enfin débarrassé des conflits, de la haine ou de la violence, par la grâce de textes déclamés en toute finesse et justesse, une voix apaisante et une exécution parfaite», souligne un mélomane visiblement enchanté.

Née un 8 juillet 1962 à El Biar (Alger), Beihdja suit des cours de mandoline et de kwitra depuis son plus jeune âge aux conservatoires d'Alger et de son quartier. En  1982, elle intègre l'association El Fakhardjia. Trois ans après, elle quitte cette association de musique andalouse et fonde avec Ahmed Sefta l'association Essoundoussia, tout en dispensant, par ailleurs, des cours de sciences naturelles dans un lycée.

Installée en France depuis 1992, Beihdja, qui ne trouve pas d'inconvénients à ce qu'on la surnomme «Madame Nouba», tient à son immersion permanente dans l'océan musical andalou pour y puiser le plus grand nombre possible d'œuvres afin de les offrir à ses admirateurs, ô combien sensibles.

 

R. C.
"LE JOUR D'ALGERIE" mercredi 28 mai 2008