"Quelle tristesse le jour de son départ !"  
     
     
 

Hommage à Hadj Omar Bensemmane et à Tarik Hamouche

L'interprète de musique arabo-andalouse, Beihdja Rahal, vient de faire paraître aux éditions Soli Music un enregistrement sur CD de la nouba mezmoum, en hommage au maître Hadj Omar Bensemmane (1906-1972). Un autre chef-d'œuvre de celle qui «est sans complexe, au cœur d'une dynamique certaine insufflée, au féminin, à notre précieux héritage musical» pour reprendre les termes du livret accompagnant cette œuvre. Un livret rédigé en juillet dernier par le défunt Tarik Hamouche, que Dieu ait son âme. Ravi aux siens à la fleur de l'âge, quelques jours avant la sortie de ce CD, Tarik avait accompagné Beihdja dans l'enregistrement, le choix des morceaux et la coordination avec les membres de l'orchestre. D'une durée d'environ 80 minutes, ce disque a été, après six mois de travail entre Alger et Paris, enregistré en juillet dernier chez Bouabdellah Zerrouki et avec la collaboration du Centre Culturel Français d'Alger (CCF).

Cette nouba qui, selon Beihdja Rahal, «n'est pas moins riche que les autres noubas», est la deuxième qu'elle offre aux mélomanes. Douze morceaux composent ce CD et dont le livret comporte des traductions en langue française. Des interprétations inédites y figurent parmi lesquelles le mceddar Ana îchqati fi soultane… (Je suis épris du sultan qui me dédaigne), le deuxième btaihi Atani rassoul… (Un messager est venu…), ces deux pièces étant à savourer chacune pendant dix-sept minutes, et un insiraf Qed becharret bi qoudoumikoum… (La brise du matin a annoncé votre arrivée…), dont Beihdja est assurée de l'authenticité.

En effet, ces pièces que l'on croyait pour certaines perdues à jamais ont été transmises à Beihdja de manière spontanée et volontaire lors de plusieurs séances de travail par le fils du regretté Hadj Omar Bensemmane, Yacine Bensemmane, qu'elle tient à remercier sincèrement pour son dévouement et pour avoir su être le fidèle dépositaire du répertoire de son père. Un dépositaire qu'elle avait sollicité sur l'origine et l'authenticité de certains morceaux du mode mezmoum et qui avait pris connaissance de leur origine douteuse véhiculée ici et là ainsi que de leur interprétation. Beihdja est ainsi repartie avec une nouba déjà donnée en 1937 par le grand maître Laho Seror à Hadj Omar Bensemmane qui l'a transmise à son fils.

Elle a rendu de cette manière «un modeste hommage» à celui dont l'illustre Sid-Ahmed Serri disait qu'«il faisait partie de ces amateurs dans le sens le plus large par opposition aux professionnels, de la lignée de Mohamed Bentefahi, qui donnèrent sans rien attendre en retour et dont le rôle dans la sauvegarde et la propagation de notre art musical a été déterminant». «Hadj Omar Bensemmane a transmis à ses élèves, ses proches, ses enfants et disciples, des morceaux qui auraient pu être engloutis à jamais et su perpétuer cette musique andalouse pour que d'autres générations reprennent le flambeau et préservent cette richesse musicale des vicissitudes du temps».

Parmi cette nouvelle génération, Beihdja Rahal, qui a déjà à son actif, depuis une dizaine d'années l'enregistrement régulier de12 noubas, dont la dernière est la nouba mdjenba, compte poursuivre cette vocation au service de la çanaâ. 

Au grand plaisir des mélomanes, Beihdja animera le 30 octobre prochain un concert à la salle Ibn Khaldoun et sous l'égide de l'établissement arts et culture de la wilaya d'Alger et le CCF. D'autres concerts sont prévus les 1 et 2 octobre à Marseille, le 22 octobre à Paris, le 20 novembre à Berne et le 10 décembre à Gênes après un détour dans une salle algéroise pour le 2 décembre

 

Chérif Bennaceur
"LE SOIR D'ALGERIE" vend-sam 10-11 septembre 2004