Une soirée à lécole des maâlmat
     
     
 

Pour Beihdja Rahal, chacun de ses concerts est un événement. De sa voix envoûtante, elle a conquis les cœurs des mélomanes mais aussi de nombreux profanes de la musique arabo-andalouse. À Alger, depuis le début du ramadan, pour une série de concerts, Beihdja, la diva de la nouba, a animé, dimanche soir à la Bibliothèque nationale d’El-Hamma, une conférence-débat autour du thème “L’image de la femme arabe dans l’art andalou”.

Pour ce rendez-vous très spécial, la place était plutôt réservée aux mélomanes. Un public connaisseur, désirant élargir ses connaissances en matière de musique classique algérienne. Dans l’assistance, on pouvait remarquer la présence de Son Excellence l’ambassadeur des United States, apparemment amateur de ce genre séculaire. “Il est important de trouver un artiste qui sait réfléchir sur sa musique”, énonce Amine Zaoui, directeur de la Bibliothèque Nationale. Pour ainsi dire, rares sont les artistes algériens qui font dans la recherche musicale.

Accompagnée de deux de ses musiciens: Nadji Hamma (luth) et Tarik Hamouche (kouitra), Beihdja Rahal, l’interprète de la nouba et pas musicologue comme elle a tenu à le préciser modestement, entamera sa conférence en soulignant la différence entre la musique classique (nouba) et ses dérivés (hawzi, hawfi…).

Revisitant la situation de la femme depuis l'apparition de l’islam, Beihdja évoquera toute une liste de dames qui se sont imposées par leur savoir, à l’exemple de Saïda Aïcha, épouse du Prophète. De l’Arabie à la Grenade, Beihdja Rahal rappellera le parcours de toutes ces femmes qui ont marqué l’histoire arabe depuis des siècles dans différents domaines.

“Les voix féminines algériennes, interprètent de la musique andalouse” est le deuxième volet de la communication de B. Rahal. “Cette musique née en Irak a voyagé jusqu’au Maghreb arabe; elle s’est d’avantage ancrée avec la chute de Grenade”. Trois écoles de musique andalouse ont fait leur apparition en Algérie: le gharnati de Tlemcen, la sanaâ d’Alger et le malouf de Constantine.

Pour parler de la voix féminine dans la chanson andalouse, Beihdja choisira l’exemple de l’école d’Alger. De maâlma Yamna 1859 (plus de 500 œuvres enregistrées) à Fadhéla D’ziria, en passant par Meriem Fekkaï, Alice Fetouci et Reinette Daoud (Reinette l’Oranaise), c’est toute l’histoire du dévouement des femmes artistes à leur art qui est retracée. “La nouba était réservée aux hommes; toutes ces dames n’ont pas chanté la tradition andalouse savante, elles se sont contentées de chanter les dérivés. Elles étaient plus versées dans le msamii.”

Beihdja Rahal déplorera toutefois les conditions sociales hostiles à l’activité artistique des maâlmet, tout en soulignant le rôle des associations et des conservatoires pour la sauvegarde du patrimoine andalou. “Grâce à ces associations, nous avons pu avoir des solistes qui ont enregistré des noubas entières, dont des voix féminines”, conclura la chanteuse qui, accompagnée de ses musiciens, s’est adonnée à une démonstration pratique pour les sept modes fondamentaux exécutés dans ce genre musical, à savoir: zidane, djarka, raml el maya, sika, mezmoum, maoual et âraq. Sous un tonnerre d’applaudissements, Beihdja gratifiera ses fidèles d’un accompagnement vocal divin.

 

Wahiba Labrèche
"LIBERTE" mardi 18 novembre 2003