La Nouba Zidane 2 |
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Voici une douzaine d'années, Beihdja Rahal s'affirmait comme l'une des voix les plus prometteuses de la san‘a, cette tradition classique de la nûba que les Algérois appellent familièrement “l'andalou” et qui constitue l'un des six grands styles de musique arabo-andalouse du Maghreb. Aussi est-il étonnant que cette jeune femme qui a choisi de s'établir en France en 1992 ait fait l'essentiel de sa carrière dans le monde arabe où elle se fait régulièrement applaudir dans les plus grands festivals de Tunis à Fès. Cette tradition très ancienne semble avoir été portée pendant les derniers siècles par des chanteurs masculins. C'est oublier qu'à l'époque d'Al-Andalus, c'étaient les voix féminines qui dominaient. Le travail de Beihdja Rahal renoue donc avec une pratique très ancienne, tout en prenant acte des constantes transformations de cette musique au cours de son histoire. Beihdja Rahal est née en 1962 à Alger dans une famille où la pratique de la musique arabo-andalouse est chose courante. Elle étudie la musique avec les grands maîtres de l'époque, notamment Mohammed Khaznadji et Abderrezzak Fakhardji, apprenant le chant et le jeu de la kwîtra, le luth emblématique de l'orchestre andalou algérien. Elle complétera sa formation au sein des associations algéroises les plus prestigieuses, El Fakhradjia et Es-Soundoussia. Ces associations se caractérisent cependant par de gros effectifs instrumentaux et choraux. Soucieuse d'un certain retour à la tradition Beihdja Rahal rompt avec cette approche symphonique et opte pour le chant en solo accompagné par une petite formation de chambre comprenant la kwîtra, le luth ‘ûd, le violon ou l'alto, la mandoline, la flûte nây, la cithare qânûn, le petit tambourin à sequins târ et la darbûka. L'interprétation y gagne en liberté, et donc en flexibilité et en complicité. Elle permet surtout un retour à l'hétérophonie, ce chevauchement des lignes mélodiques qui est un des fondements de l'esthétique musicale maghrébine. L'effectif de chambre magnifie la voix de la chanteuse, sa chaleur sensuelle dans les médium, ses aigus séraphiques, la souplesse du mélisme et l'émotion dans le vibrato. On le verra plus loin, le répertoire des nûba algériennes, ces longues suites vocales et instrumentales classiques, est à géométrie variable. À chaque nûba correspond un large corpus de pièces qui n'est jamais joué dans sa totalité. Au contraire, les musiciens puisent dans ce répertoire les pièces qui constitueront une version possible parmi d'autres. C'est ce qui a conduit Beihdja Rahal, après l'enregistrement d'une première intégrale des nûba algéroises, à en entreprendre ici une seconde, à partir d'autres versions de ces nûba. Pierre Bois
La Nûba Algéroise La nûba (litt. “tour de rôle” et par extension “séance de musique”) constitue le cœur de la tradition musicale citadine maghrébine et l'expression la plus classique de la musique arabo-andalouse. Dire que cette musique est une création de l'Espagne musulmane – Al Andalus – introduite au Maghreb par les émigrants andalous où elle aurait pris différentes formes selon leurs origines (école de Séville, de Cordoue, de Grenade, de Saragosse...) est simplificatrice. Certes le rôle de Ziryâb au IXe siècle comme fondateur d'un genre musical nouveau et de la première école de musique à Cordoue est indiscutable, cependant on ne peut ignorer l'apport des grandes villes du Maghreb, de Kairouan jusqu'à Fès, dans la constitution de ce patrimoine musical bien avant la fin de la Reconquista en 1492 et l'expulsion définitive des Arabes par le roi Philippe III en 1609. Les différences de styles et de répertoires entre les différentes écoles algériennes: le gharnâ†i de Tlemcen, le ma‘lûf de Constantine, la san‘a d'Alger, mais aussi le ma‘lûf libyen, le ma‘lûf tunisien et la âla marocaine ne résultent donc pas de liens respectifs supposés avec d'anciennes cités andalouses mais bien plutôt d'évolutions locales. La musique arabo-andalouse se caractérise par une organisation codifiée de la séance musicale sous la forme d'une suite vocale et instrumentale, la nûba, composée sur un mode mélodique principal †ab‘ (plur. †ubû‘) et des cycles rythmiques qui en structurent le déroulement, l'interprétation par un(e) chanteur(se) ou un chœur, accompagnés par un petit ensemble instrumental, un corpus poétique en partie commun aux différentes écoles, une conception philosophique et cosmogonique du système modal héritée des Grecs par l'intermédiaire des penseurs arabes et dont le corollaire est la notion de sentiment modal qui se traduit chez l'auditeur par un ravissement quasi extatique, le †arab.
Repères historiques récents Le répertoire des nûba – et cela vaut pour toutes les écoles du Maghreb – s'est constitué au fil des siècles dans le cadre d'une transmission exclusivement orale de maître à disciple et n'a donc cessé de se transformer, de se défaire et de se reconstituer. Vers la fin du XVIIIe siècle (c'est de cette époque que datent les premiers manuscrits connus en Algérie), les maîtres (ma‘alem) commencent à recenser et à classer les pièces des différentes nûba et des genres apparentés. Mais le travail de sauvegarde de cette tradition ne commence véritablement qu'avec les travaux des premiers musicologues de passage à Alger à la fin du XIXe siècle: F.Salvador-Daniel, Christianowitsh, Jules Rouanet… Au début du XXe siècle les derniers ma‘alem, avec à leur tête Mohamed Ben Ali Sfindja (1844-1908), participent à des travaux musicologiques, à des enregistrements et à la publication en 1904 du Dîwân Yafîl, premier recueil de l'ensemble des textes des nûba. Cette période est également marquée par l'émergence d'un mouvement associatif animé d'une volonté d'affirmation de l'identité algérienne. Aujourd'hui encore, nombre de ces associations jouent un rôle essentiel dans la pratique, la préservation, l'évolution et la transmission de ce patrimoine. Des orchestres voient le jour au sein de Radio Alger (1946-1963) ainsi qu'un enseignement au conservatoire. L'orchestre classique arabo-andalou de Radio Alger, dirigé par Mohamed Fakhardji (1896–1956) puis par son frère Abderrezzak (1911–1984), va former le creuset de la “nouvelle nûba algéroise”: un répertoire composé de versions “définitives” établies à partir des multiples versions détenues par les anciens maîtres. C'est de cette époque que date véritablement la dissociation des trois écoles algériennes, et plus particulièrement celles d'Alger et de Tlemcen malgré leurs nombreux points communs. D'ailleurs le terme san‘a (litt. métier, œuvre, pièce) désignant le répertoire algérois a été introduit assez tardivement et il est finalement peu utilisé par les musiciens. Cette homogénéisation du répertoire s'accompagne d'un déplacement du cadre traditionnel (café maure et autres lieux réservés) vers les salles de concert, le remplacement des petites formations instrumentales par de grands orchestres, le recours au chant choral, l'introduction de nouveaux instruments européens et moyen-orientaux et la quasi relégation des instruments traditionnels au rôle de figurants. Enfin la rigueur d'une exécution homophonique au détriment de la liberté de chaque musicien dans l'interprétation de la mélodie remet en question l'hétérophonie qui était l'un des traits inhérents à cette musique. Pour les musiciens actuels, le XXe siècle est celui qui a donné à la musique traditionnelle sa seule référence “cohérente” et le mieux condensé quelque dix siècles de tradition. Mais cette reconnaissance n'est pas exempte de critiques. Nombre de musiciens issus des associations tentent aujourd'hui de donner un nouvel élan à cette musique. Rompant avec le goût symphonique qui marqua le XXe siècle, ils renouent avec de petits effectifs favorisant le jeu hétérophonique et privilégient le chant solo. Ils s'efforcent également de professionnaliser une pratique jusqu'alors amateur, relancent la recherche musicale et proposent de nouvelles approches pédagogiques.
La structure de la nûba La nûba est une suite de pièces vocales et instrumentales. Débutant sur un rythme libre et relativement lent, elle enchaîne plusieurs pièces selon une accélération progressive du tempo. Chaque nûba est fondée sur un mode musical principal, le †ab‘ (litt. «tempérament, caractère», plur. †ubû‘), qui lui donne son nom, ce qui n'interdit pas la modulation dans d'autres modes. La forme théorique de la nûba comprend deux parties: La première partie débute par une ouverture instrumentale tûshiya jouée sur un rythme assez rapide, suivie de trois phases vocales et instrumentales allant du lent au moins lent: le msaddar, le btâyhî et le darj. La tûshiya est une ouverture instrumentale dans laquelle peuvent être repris des motifs des autres pièces de la nûba sur un rythme à 2 ou 4 temps dans un tempo modéré. Le msaddar est considéré comme la pièce maîtresse des mélodies chantées. Lent et solennel, il est joué sur un rythme à 4 temps. Il débute, comme toutes les autres pièces vocales, par une courte introduction instrumentale kursî, puis les couplets s'enchaînent, séparés par des reprises instrumentales de la mélodie vocale, les jawâb (réponse). Les couplets peuvent être suivis d'un matla‘ (refrain), un ou deux vers chantés sur une mélodie différente, et la pièce se conclut par un ruju‘, c'est-à-dire un retour à la mélodie des couplets principaux. Le btâyhî, également introduit par un kursî, a une structure et un rythme semblables à ceux du msaddar, mais le tempo est légèrement plus rapide. Il en va de même pour le darj où le tempo accélère encore et l'on y observe quelques ruptures rythmiques. Traditionnellement, la seconde partie était introduite par une tûshiyat al-insirâf instrumentale aujourd'hui abandonnée. Seule celle de la nûba Ghrîb a subsisté qui est désormais jouée en début de nûba. Suivent deux phases vocales: insirâf et khlâs. L'insirâf (sortie), précédé comme toujours d'un kursî, est une pièce de mesure ternaire dans laquelle certaines frappes sont légèrement plus courtes. En général on en joue deux. Le khlâs (final) débute comme un insirâf puis passe à un rythme plus alerte pour s'achever par une lente phrase vocale sans percussion qui signe une dernière fois le †ab‘. On en joue également plusieurs. Jusque dans les années 40, la nûba algéroise était précédée d'une partie préliminaire comprenant un préambule vocal dâ'ira sur des syllabes vides et un prélude instrumental non mesuré mishâliya ou tûshiya al-taq‘ida destiné à souligner les caractéristiques du mode musical. Cette mishâliya est toujours jouée dans le répertoire de Tlemcen. Dans la pratique, les musiciens sortent cependant de ce cadre conventionnel et agrémentent la nûba en y ajoutant d'autres pièces. Celle-ci peut ainsi être précédée d'une ouverture empruntée à d'autres répertoires arabo-andalous (Tlemcen, Constantine, Maroc) voire plus récemment à la tradition ottomane, d'extraits instrumentaux d'istikhbâr ou, comme c'est le cas ici, par un inqilâb. L'inqilâb (ou niqlâb) est une pièce de même facture que celles de la nûba mais elle se caractérise par sa grande diversité rythmique: 2/4, 4/4, 4/8, 6/4, 7/4, 8/4. Ces inqilâbât (niqlâbât) peuvent d'ailleurs être réunis en une seule suite, la Nûba des niqlâbât, qui enchaîne tous les †ubû‘ fondamentaux sur un tempo constant. On peut également intercaler des pièces du répertoire populaire (dlidla, zendani) entre les insirâf et faire suivre le dernier khlâs d'une qâdriya. Il est enfin d'usage d'insérer dans la première partie un istikhbâr dont le poème peut confirmer le thème général de la nûba ou au contraire assurer une transition thématique; cet interlude vocal improvisé et non mesuré, est entrecoupé d'improvisations instrumentales. L'istikhbâr est aussi l'occasion pour le chanteur ou la chanteuse, débarrassé(e) d'un cadre rythmique contraignant, de mettre en valeur ses qualités expressives au service d'un poème n'appartenant pas au répertoire canonique.
Le répertoire de la nûba algéroise Les douze nûba sont classées par †ubû‘ en suivant la pente descendante de l'échelle traditionnelle: - Do : mode dhîl - La : modes mjanba et hsîn - Sol : modes ramal et ramal al-mâya - Fa : modes ghrîb, zîdân, rasd et mazmûm - Mi : mode sîka - Ré : modes rasd al-dhîl et mâya. S'ajoutent à cela des mélodies d'insirâf dans les †ubû‘ jârka et muwwâl, un darj et une tûshiya dans le †ab‘ ghrîbat al-Hsîn, des morceaux de la nûba ‘Irâq intégrés à la nûba Hsîn, soit en tout seize †ubû‘. Le ma‘lûf de Constantine comprend dix nûba, le gharnâ†i de Tlemcen, douze, avec les mêmes †ubû‘, les mêmes textes et pratiquement la même organisation que la nûba algéroise. Il existe actuellement à Alger quelque 320 pièces vocales réparties entre douze nûba plus ou moins complètes. Une nûba est dite complète si elle comporte une tûshiya et ses cinq phases vocales: msaddar, btâyhî, darj, insirâf, khlâs avec tous leurs kursî. Le tableau suivant donne une idée approximative de la répartition de ces pièces. Comme il est inconcevable de jouer toutes les pièces lors de l'exécution d'une nûba, il revient donc aux musiciens de faire un choix dans les corpus correspondant à chaque phase. En se reportant au tableau, on constate ainsi que la nûba hsîn offre au moins sept versions différentes, tandis que la nûba Zîdân en permet deux.
Le rythme La question du rythme dans la nûba algéroise est assez complexe car doivent s'y conjuguer le rythme de la percussion, celui de la mélodie et celui de la prosodie, ce qui la distingue nettement du muwashshah andalou dont le rythme est imposé exclusivement par la musique. À Alger, le rythme de la percussion est relativement simple – on y pratique peu les monnayages (remplissages entre les frappes principales) qui ont cours par exemple dans la musique du Proche et Moyen-Orient – et il se superpose en général aux accents du rythme mélodique. - Un premier rythme d'accompagnement à trois frappes (Dum/Tak/Tak) (*) dans le rapport 2/1/1. Une mesure chiffrée à 4/4 (ou 2/2) pour les trois premières phases de la nûba. - Un second rythme d'accompagnement en deux cellules de trois frappes (DTD TTT) pour l'insirâf. Et dans chaque cellule, une première frappe légèrement plus courte que les deux suivantes d'égales durées, créant un effet de claudication. On peut considérer ce rythme comme un 6/8 avec une accélération de la première et de la quatrième frappe, quoique nombre de musicologues aient proposé des chiffrages plus complexes: 5/8, 11/8, 16/16, 21/32, etc. (*) Dum et Tak sont les sons obtenus en frappant respectivement le milieu ou le bord de la darbûka. - Un troisième rythme pour le khlâs obtenu par la substitution de deux des frappes du rythme insirâf (la seconde et la quatrième) par des silences et par une accélération du tempo: (D–D–TT). Le chiffrage du khlâs doit donc être le même que celui de l'insirâf. Dans les jawâb, ritournelles instrumentales qui entrecoupent le chant, les frappes sont doublées voire triplées. À Alger, les différentes phases (msaddar, btâyhî, etc.) ne renvoient pas à des rythmes spécifiques. Si l'accompagnement reste simple et constant, les structures rythmiques sous-jacentes à la mélodie sont complexes et variées. Il en est de même pour la nûba de Tlemcen et celle de Constantine même si, contrairement à Alger, chaque phase est associée à un rythme. C'est là un point fondamental de la construction de la nûba algérienne. Libérée de la contrainte des cycles rythmiques, la tradition algéroise a imaginé un nouveau concept, celui des cinq phases. Elle a ainsi regroupé les morceaux, ceux qui utilisaient des rythmes longs, en msaddar et btâyhî, et les autres en darj, insirâf et khlâs selon des critères qui restent à cerner, la classification du répertoire étant toujours un sujet d'actualité.
Les textes Le répertoire poétique comprend des textes en arabe classique et d'autres écrits dans un arabe simplifié à mi-chemin de la langue classique et du dialecte populaire exclusivement syllabique. Les formes poétiques sont les suivantes: - qasîda en arabe classique: série de vers à deux hémistiches avec une seule et même rime finale. - muwashshah en arabe classique (20% du répertoire) et zajal en arabe simplifié (80% du répertoire), poèmes strophiques combinant plusieurs rimes avec des vers à un hémistiche, deux hémistiches (les 4/5 du corpus), trois, quatre, etc. Ces deux formes se sont développées dès le XIe siècle en Andalousie et dans tout le monde arabo-musulman. - bayt (maison) formé de trois vers appelés aghsan (sing. ghusn, branche). - matla‘ (refrain), distique à un ou deux hémistiches (le plus courant) suivi d'un vers appelé ruju‘ (retour) car il revient vers la mélodie des aghsan. Les poèmes, presque tous anonymes, chantent l'amour, le vin, la nature, les plaisirs, la nostalgie… Les poèmes panégyriques ne concernent que le Prophète. Ces poèmes, de même facture que ceux de la nûba, chantés sur les mêmes mélodies, ont fait l'objet d'une compilation: le kalâm al-jadd (paroles sérieuses, sacrées) par opposition à la nûba qui est dite kalâm al-hazl (paroles plaisantes, profanes). Cette segmentation est d'ailleurs assez artificielle car les cercles soufis, qui eurent un rôle important dans la préservation de cette musique, puisaient indifféremment dans ces deux répertoires poétiques, jouant de leur ambiguïté sémantique.
La Nûba Zîdân Septième nûba du répertoire, dans la classification des †ubû‘, la nûba Zîdân était associée à la nuit selon les anciennes croyances cosmogoniques liées aux †ubû‘. Loin de se laisser enfermer dans une échelle de référence (les deux tétracordes disjoints Ré-Mib-Fa#-Sol et La-Sib-Do#-Ré) qui n'en est que la caricature, le †ab‘ zîdân est un mode mouvant, dont les degrés mobiles font les délices des musiciens improvisateurs. Le msaddar “Tahiya bikum”, une des pièces majeures de cette nûba mais aussi de tout le répertoire algérois, résume à lui seul les principales caractéristiques de ce †ab‘: - La mélodie privilégie le deuxième tétracorde et tout particulièrement sa tonique La qui introduit et conclut les phrases mélodiques. Le retour à la tonique du mode (Ré), souvent évité, se réalise dans une cadence introduite par le Fa# et jouée sur les notes du premier tétracorde. C'est la tâbyita (résidence du †ab‘). Le Fa#, qui dans ce morceau introduit le †ab‘, est donc une note-pivot qui permet à la mélodie de moduler vers le mode ‘irâq dans sa forme Ré-Mi-Fa#-Sol ou vers le mode mazmûm transposé en Sol: Sol-La-Si-Do. - La présence de l'échelle du mode ‘irâq dans sa deuxième forme (Ré-Mi-Fa-Sol) explique l'apparition du Mi et du Fa naturels. La version proposée par Beihdja Rahal est un modèle d'interprétation dans la pure tradition algéroise. L'inqilâb “Ya rashâ fattân”, très entraînant, introduit l'ambiance du †ab‘ nous faisant presque oublier la gravité du sujet traité, la séparation: «Ne trahis point ta promesse, toi qui portes le nom suprême (de l'amour)». Après le msaddar “Ta iyâ bikum” qui fait une brève incursion dans la poésie mystique, Beihdja Rahal revient au thème principal avec le btâyhî “Lâsh yâ ‘âdhâb al-qulub” et la complainte de ses refrains: «Douces sont les nuits d'union, amère est la séparation». Un istikhbâr poignant, “Alâ hal la-nâ min ba‘di al-tafarruqi”, adressé par la célèbre poétesse andalouse Wallada bint al-Mustakfi (XIe s.) à son amant Ibn Zeydoun apporte un élan lyrique à cette nûba: «Qu'adviendra-t-il maintenant que tu t'es éloigné et que le destin a précipité l'épreuve que je redoutais ?» Le darj “Al-luzu fatah” rejoint le registre de la poésie mystique abordé dans le msaddar. Les deux insirâf “A†ir al-anfâs” (une pièce d'anthologie) et “Min hubbi hadh al-ghazâla” renouent avec le thème de la séparation et celui d'une aspiration à la joie teintée de mysticisme: «Les instants de bonheur ne sont pas expiatoires (par le paiement d'une dîme)» dans le premier et «Je n'ai obtenu qu'indifférence et abandon, vers Dieu j'élève ma plainte» dans le second. Tel un intermède joyeux, le troisième insirâf “Dir al'uqâr yâ sâqi wa-s'qinî” introduit une respiration dans cette atmosphère pathétique, telle une incitation à l'insouciance que l'on retrouve aussi dans le deuxième khlâs “Salli humumak”. Le premier khlâs, “Amâ tattaqqî Allah”, emblématique de cette nûba, résume le thème général par cette prière: «Toi qui mets fin aux malheurs, abrège les miens». Un appendice conclut cette belle interprétation, la qâdriya “Mamhun man alli h'djarni” empruntée au répertoire populaire. Youcef Touaïbia
Ce disque comporte les morceaux suivants: 1 . Inqilâb Zîdân: Ya rashâ fattân
1. Inqilâb Zîdân: Ya rashâ fattân Petite gazelle au charme envoûtant, Ma belle aux yeux si noirs, Tes joues, roses écarlates Ton grain de beauté est si ravissant ; Sois fidèle à notre serment ;
2. Msaddar Zîdân: Tahiyâ bi-kum Là où vous posez pied, la terre ressuscite et reverdit
3. Btâyhî Zîdân: Lâsh yâ ‘âdhâb al-qulub Bourreau des coeurs, pourquoi tortures-tu le mien ?
4. Istikhbâr Zîdân: de Wellada Bint El Moustakfi (*): Alâ hal la-nâ min ba‘di al-tafarruqi Après les souffrances de la séparation,
5. Darj Zîdân: Al-luzu fatah Les amandiers sont en fleurs !
6. Insirâf Zîdân 1: ‘†ir al-anfâs Toi dont l'haleine est parfumée Dans des coupes finement ornées Quel beau spectacle avec les belles du quartier ! Cette nuit de plaisirs
7. Insirâf Zîdân 2: Min hubbî hadh al-ghazâla Mon amour pour cette gazelle Quand elle parut avec ses bijoux,
8. Insirâf Zîdân 3: Dir al'uqâr yâ sâqi wa-s'qinî Échanson, fais passer les coupes Ma belle m'a rendu visite,
9. Khlâs Zîdân 1: Amâ tattaqî Allah Ne crains-tu pas Dieu, Ô bourreau de mon cœur ?
10. Khlâs Zîdân 2: Salli humumak Distrais-toi et oublie tes soucis ce soir
11. Qâdriya Zîdân: Mamhun man alli hjarni Affligé à cause de celle qui m'a abandonné Traduit de l'Arabe par Saadane Benbabaali
Les musiciens: et Beihdja RAHAL à la Kouitra.
Chorale féminine:
En collaboration avec : L'office national des droits d'auteur et des droits voisins (O.N.D.A) |
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